Déclaration d’indépendance du Cameroun le 1er Janvier 1960

Déclaration d'indépendance du Cameroun le 1er Janvier 1960

Déclaration d’indépendance du Cameroun le 1er Janvier 1960 par Ahmadou Ahidjo

Camerounais, Camerounaises,

Le Cameroun est libre.

Ces mots font vibrer en chacun de nous une émotion que nous ne dissimulons pas tant elle est naturelle, tant elle touche aux aspirations les plus pures de tous ceux qui portent le nom d’homme. Camerounais, mes frères, ce jour tant souhaité, nous devons le vivre aujourd’hui avec grave ferveur.

Sa signification doit envahir nos coeurs; notre joie pour être totale, doit être lourde de l’attente que nous avons vécue et des espoirs que nous avons nourris.

Après une longue ascension, nous faisons halte et nous contemplons le chemin parcouru. Nous nous réjouissons mais aussi nous mesurons le trajet qu’il nous reste à effectuer et nous rassemblons nos forces. Tous ensemble, notre volonté tendue vers le but grandiose que nous atteignons aujourd’hui, nous avons franchi des obstacles, nous avons contourné les embûches, mais nous savons que notre effort n’est pas terminé.

Déclaration d'indépendance du Cameroun le 1er Janvier 1960

Déclaration d’indépendance du Cameroun le 1er Janvier 1960


Depuis la lointaine époque où tribus libres, mais divisées, rivalisaient de vigueur guerrière, une nation s’est forgée, s’est dégagée de la marqueterie des races, des religions, des croyances et des coutumes. Comme partout dans le monde où au cours des siècles, des nations se sont créées, les hommes de ce pays n’avaient à l’origine que peu de choses communes.

Des liens, cependant, se nouèrent peu à peu, puis se fortifièrent pour aboutir à la formation d’un sentiment national que nous ressentons profondément.

Le choc de la Seconde Guerre Mondiale, en rapprochant les peuples qui combattaient pour une même cause, accéléra un mouvement dont les racines étaient déjà profondes.

La grande soif de liberté, le besoin de responsabilité qui envahit tous les hommes épris de justice retentit au Cameroun et y trouva un écho puissant.

Chacun d’entre nous savait que cette volonté profonde d’assumer librement son destin trouverait un jour sa récompense et son aboutissement.

Nous ne nous étions pas trompés. Nous devons aux Nations Unies et à la puissance tutrice, la France, de nous avoir aidés à construire notre nation en dehors de la haine et de la force. Qu’elles en soient remerciées.

Nous ne croyons pas, en effet comme quelques-uns attardés dans un romantisme désuet, que les luttes meurtrières soient nécessaires aux mouvements de l’histoire et que les nations doivent se créer dans le sang.

Un État naissant n’a rien à gaspiller : ni ses hommes, ni ses biens. Déplorer que le Cameroun soit fondé dans la paix, avec l’accord et le soutien de tous, ressortit à une vision du monde tournée vers un passé dont les exemples sont néfastes, alors que nos regards distinguent déjà l’ébauche d’une communauté universelle et pacifique, unie et ouverte à tous.

Ceux qui se sont séparés de nous et ont tenté de conquérir seuls les objectifs qui revenaient à tout un peuple n’ont fait qu’entraver la marche de leurs frères.

Qu’ils reconnaissent leur erreur et nous rejoignent. Nous oublierons leurs défections et l’histoire ne retiendra que l’action commune d’un peuple épris de dignité, de justice et de liberté.

Nous voulons que demain nos rangs soient serrés plus qu’hier car le travail qui nous reste à accomplir nécessitera la mobilisation de toutes les énergies.

Aucun enfant de ce pays ne saurait se dérober à la tâche qui lui est réservée sans trahir la patrie que nous fêtons aujourd’hui. L’Indépendance, comme la liberté, est un bien que l’on conquiert et qui se reconquiert chaque jour, et personne n’est de trop pour la défendre, la fortifier, la préserver de toutes ses forces et de toute son âme.

Nous savons bien qu’il n’y a pas de dignité pour ceux qui attendent tout des autres, nous savons que cette Indépendance que nous venons d’obtenir ne serait qu’un leurre si nous ne pouvions l’assurer dans la réalité quotidienne. Nous sommes décidés à lui donner une existence qui ne soit pas seulement de façade.

Nous serons jugés sur nos actes. Le monde attend que nous lui fournissions la preuve de notre sérieux, de notre capacité à nous diriger nous-mêmes: Nous la lui donnerons, car tous nous le voulons.

Camerounais,

Je sais que cette indépendance, vous l’avez trop ardemment souhaitée pour ne pas la porter quel qu’en soit le poids, pour ne pas y consacrer tous vos soins et toutes vos forces.

Vous ne serez d’ailleurs pas seul, et les conditions de la naissance du Cameroun indépendant sont les plus sûrs garants de sa croissance de demain.

Les Nations unies au sein desquelles nous allons prochainement prendre place, ainsi que la France dont l’amitié nous réconforte chaque jour, seront pour nous les guides naturels de nos premiers pas.

Nous savons que nous aurons besoin de leur aide, nous sommes sûrs qu’elle ne sera pas marchandée et qu’elle aura pour unique objet de consolider notre Indépendance et nos libertés. Nous voulons, en ce jour solennel, leur apporter le témoignage de notre reconnaissance et leur rendre l’hommage amical d’un peuple qui a conscience de ce qu’il leur doit.

Nous étions hier leur pupille, nous sommes aujourd’hui leur partenaire. Les liens d’amitié qui nous unissent maintenant seront plus solides dans l’avenir que par le passé.

La grande famille des nations indépendantes nous accueille en ce jour solennel. Notre place nous attend, il nous tarde de la rejoindre, afin de prouver à tous ceux qui ont témoigné leur amitié que nos actes seront à la mesure de leur confiance.

Camerounais des villes, des villages et des campagnes, nos coeurs battent aujourd’hui ensemble d’un même rythme ; notre drapeau national flotte partout au vent de notre joie.

Nous sommes soulevés par le souffle exaltant des grands commencements.

Nous saurons dans l’enthousiasme bâtir une nation dont nos enfants seront fiers et qui dans le monde marquera sa place sous le triple signe de notre devise nationale : Paix – Travail – Patrie !

Vive la liberté !

Vive le Cameroun indépendant !